lundi 25 octobre 2010

Jugements, lock-out, brassage de conventions, coupures….pas facile le travail de journaliste.

Les temps sont durs pour les journalistes. Un maire qui refuse de parler aux représentants du média x, une ministre qui préfère le grand rendez-vous télévisuel dominical au bulletin de nouvelles de la SRC, des dizaines de lock-outés toujours dans la rue, des abolitions de postes, de salles de nouvelles, des redéploiements de conventions collectives, la montée des blogueurs et la Cour suprême qui balise de plus en plus leur travail. Le jugement de la semaine dernière dans l’affaire Machouette est le plus récent couplet à la complainte. Je me suis intéressé à certains jugements rendus par le plus haut tribunal du pays depuis quelques années. Nul doute que les journalistes auront bientôt besoin d’un manuel de pratique pour ne pas se mettre les pieds dans les plats en faisant leur travail. Même si certains jugements penchent en faveur des médias, ils imposent toujours un fardeau et des obligations. Plus le temps et les jugements passent, plus le travail du journaliste se complexifie. Dans bien des cas, son travail et ses droits se heurtent aux droits et libertés des autres. Pas simple.  
Le jugement Machouette porte sur la protection des sources dans une cause civile. Les grands principes qui y sont énoncés l’ont d’abord été dans un autre jugement, rendu plus tôt cette année dans une affaire impliquant le National Post. Il s’agissait d’une  affaire de prêt à un hôtel qui aurait été consenti grâce à l’intervention du premier-ministre canadien de l’époque. L’hôtel se trouvant dans son comté. La cour, dans un premier temps, souligne, de manière générale, l’importance de protéger les sources afin que le public soit informé sur des questions importantes. Cependant, il arrive que des intérêts publics s’opposent. Et dans ce cas, un tribunal pourra ordonner la divulgation de la source. Les juges soulignent aussi que la Constitution ne protège pas les différentes techniques de cueillette d’information. S’il est confronté à un cas impliquant une source, un juge devra appliquer le test du nouvel ami des journalistes, Wigmore. Quatre critères à étudier pour se faire une tête.  Et le fardeau de la preuve revient au journaliste / média et non à la partie adverse. Aucun privilège ne s’applique, à moins de répondre aux quatre critères. En résumé, journalistes d’enquête, prenez bien connaissance du test de Wigmore.
En 2004, une autre cause opposait cette fois le consultant en communication Gilles E. Néron et la Société Radio-Canada. Une affaire d’atteinte à la réputation. Nous savons depuis longtemps qu’il n’est pas suffisant de plaider la véracité des faits pour se soustraire à une action en diffamation. Une affirmation peut être vraie et diffamer. Ici, ressort la notion de «journaliste raisonnable» et l’importance de respecter les normes journalistiques du bon professionnel. Dans une telle affaire, la cour devra examiner la teneur du reportage, sa méthodologie et son contexte pour déterminer s’il y a eu faute. Mais en 2009, la Cour suprême apporte une nouvelle défense possible : la communication responsable. Elle modifie ainsi les règles relatives à la diffamation. Pour l’appliquer : 1) la communication doit concerner une question d’intérêt public et 2) le défendeur doit démontrer que la communication était responsable, qu’il s’est efforcé avec diligence de vérifier les allégations, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes. Il est précisé que l’intérêt public n’est pas confiné aux questions politiques ou gouvernementales et que le demandeur n’ pas à être nécessairement un personnage public. On peut applaudir l’arrivée de cette nouvelle défense mais elle démontre l’importance pour le journaliste de faire son travail avec rigueur et professionnalisme. Le fardeau repose sur ses épaules. Les blogueurs doivent aussi être conscients de toute cette question, eux qui ne sont pas à l’abri de poursuites.
Les journalistes n’ont pas d’ordre professionnel. Mais force est de constater que, tranquillement, les tribunaux érigent des règles qui balisent leur travail, se substituant ainsi à un ordre quelconque. Étant de l’extérieur, je ne peux pas dire si la profession est réellement en crise. Mais la perception est peu réjouissante.

  



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