On le sait, en temps de crise la communication est essentielle. On dit aussi qu’il faut apprendre d’une telle situation. Mais est-il trop tôt pour jeter un regard, disons préliminaire, sur cette communication COVID-19 des autorités et des médias ? Non. D’abord, retournons un peu en arrière. En 2014, le virus Ebola s’invite aux États-Unis. Des cas sont confirmés sur le territoire, le premier étant apparu à Dallas, des citoyens ayant été en contact avec des porteurs ou porteurs potentiels. Dans certains états, des parents retirent leur enfant de l’école. Des psychologues affirment alors ne pas être surpris par la peur exacerbée de certains.
La perception du risque est au
cœur de cette réaction apeurée. Dès l’annonce de l’apparition du virus, tout
était en place pout alarmer : il peut être fatal, il est invisible et s’en
protéger n’est pas simple, nous y sommes exposés sans le vouloir et ce n’est
pas clair si les autorités sont en contrôle. Le niveau d’anxiété est évidemment
plus élevé lorsqu’on ne connaît pas la menace, qu’elle est nouvelle. La
perception du risque sera plus faible si cette menace est familière, comme la
grippe par exemple. Un virus qui tue pourtant bien des individus chaque année.
La perception du risque est d’ailleurs l’un des facteurs jouant sur l’adoption
ou non d’un vaccin par la population.
Pour tenter de contenir cette
peur, une communication honnête, d’une source crédible, est cruciale. Les
autorités marchent ici sur un fil de fer. Elles doivent expliquer les risques, indiquer
comment agir sans toutefois alarmer. Elles ne peuvent donc pas se permettre de
perdre cette crédibilité. En 2015, il a été reproché aux médias d’alarmer,
d’exagérer. Le professeur Baruch Fischhoff disait dans un billet publié par l’American
Psychological Association : « Les médias américains ont tendance à
trouver - et à faire connaître - des comportements aberrants, contribuant à
perpétuer un mythe selon lequel les gens ont tendance à réagir à une crise par
la panique. » Et chez nous, actuellement, la couverture médiatique étant telle,
voit-on une forme d`alarmisme, d’exagération ? Les autorités démontrent-elles
un contrôle de la situation ? Le retour du point de presse quotidien est-il une
bonne chose ? Les journalistes posant parfois des questions très précises
auxquelles le premier-ministre, les ministres et le directeur de la santé
publique n’ont pas de réponse. Cette confusion devrait pouvoir être évitée.
Elle n’a rien de rassurante.
Ceci souligne l’épineuse question de notre
tolérance à l’incertitude. Durant la crise du H1N1 en 2009, des chercheurs de
l’Université Carleton d’Ottawa ont mené une enquête. Elle démontre que les
individus qui tolèrent moins bien l’incertitude sont plus anxieux et, surtout,
croient moins pouvoir faire quelque chose pour se protéger.
Les médias sont évidemment des
sources d’information privilégiées en temps de crise. Entre 1900 et 2006, près
de 16 000 désastres et crises de toutes sortes auraient été rapportés. De
quoi alimenter l’information. Dans bien des cas, la santé publique joue un
rôle. Dans une étude, parue en 2007, Wilson Lowrey et ses collègues, provenant
de divers départements comme journalisme et santé publique, mentionnent que des
critiques émanent de conseillers en santé publique. Ils reprochent aux médias
deux choses. D’abord, le grand besoin des médias de publier et de diffuser
constamment amène à focaliser sur des détails et des événements que les experts
estiment être non importants, hors sujet et parfois inexacts. Ensuite, les
histoires rapportées peuvent manquer de profondeur, de contexte, n’aidant pas à
mieux comprendre la situation. Aurions-nous ces mêmes commentaires ici ? Nous
sommes sans doute en présence de deux groupes qui saisissent mal le travail et
les impératifs de l’autre. C’est pourquoi les chercheurs recommandent qu’un
certain nombre de journalistes soient formés à la réalité scientifique voire à
celle de la santé publique.
Une chose est sûre, la panique
n’est pas bonne conseillère. S’assurer de demeurer en contrôle est primordial
même quand la pression est forte.