mercredi 7 octobre 2020

Avons-nous échappé la communication ?

 


On le sait, en temps de crise la communication est essentielle. On dit aussi qu’il faut apprendre d’une telle situation. Mais est-il trop tôt pour jeter un regard, disons préliminaire, sur cette communication COVID-19 des autorités et des médias ? Non. D’abord, retournons un peu en arrière. En 2014, le virus Ebola s’invite aux États-Unis. Des cas sont confirmés sur le territoire, le premier étant apparu à Dallas, des citoyens ayant été en contact avec des porteurs ou porteurs potentiels.  Dans certains états, des parents retirent leur enfant de l’école. Des psychologues affirment alors ne pas être surpris par la peur exacerbée de certains.

La perception du risque est au cœur de cette réaction apeurée. Dès l’annonce de l’apparition du virus, tout était en place pout alarmer : il peut être fatal, il est invisible et s’en protéger n’est pas simple, nous y sommes exposés sans le vouloir et ce n’est pas clair si les autorités sont en contrôle. Le niveau d’anxiété est évidemment plus élevé lorsqu’on ne connaît pas la menace, qu’elle est nouvelle. La perception du risque sera plus faible si cette menace est familière, comme la grippe par exemple. Un virus qui tue pourtant bien des individus chaque année. La perception du risque est d’ailleurs l’un des facteurs jouant sur l’adoption ou non d’un vaccin par la population.

Pour tenter de contenir cette peur, une communication honnête, d’une source crédible, est cruciale. Les autorités marchent ici sur un fil de fer. Elles doivent expliquer les risques, indiquer comment agir sans toutefois alarmer. Elles ne peuvent donc pas se permettre de perdre cette crédibilité. En 2015, il a été reproché aux médias d’alarmer, d’exagérer. Le professeur Baruch Fischhoff disait dans un billet publié par l’American Psychological Association : « Les médias américains ont tendance à trouver - et à faire connaître - des comportements aberrants, contribuant à perpétuer un mythe selon lequel les gens ont tendance à réagir à une crise par la panique. » Et chez nous, actuellement, la couverture médiatique étant telle, voit-on une forme d`alarmisme, d’exagération ? Les autorités démontrent-elles un contrôle de la situation ? Le retour du point de presse quotidien est-il une bonne chose ? Les journalistes posant parfois des questions très précises auxquelles le premier-ministre, les ministres et le directeur de la santé publique n’ont pas de réponse. Cette confusion devrait pouvoir être évitée. Elle n’a rien de rassurante.

Ceci souligne l’épineuse question de notre tolérance à l’incertitude. Durant la crise du H1N1 en 2009, des chercheurs de l’Université Carleton d’Ottawa ont mené une enquête. Elle démontre que les individus qui tolèrent moins bien l’incertitude sont plus anxieux et, surtout, croient moins pouvoir faire quelque chose pour se protéger. 

Les médias sont évidemment des sources d’information privilégiées en temps de crise. Entre 1900 et 2006, près de 16 000 désastres et crises de toutes sortes auraient été rapportés. De quoi alimenter l’information. Dans bien des cas, la santé publique joue un rôle. Dans une étude, parue en 2007, Wilson Lowrey et ses collègues, provenant de divers départements comme journalisme et santé publique, mentionnent que des critiques émanent de conseillers en santé publique. Ils reprochent aux médias deux choses. D’abord, le grand besoin des médias de publier et de diffuser constamment amène à focaliser sur des détails et des événements que les experts estiment être non importants, hors sujet et parfois inexacts. Ensuite, les histoires rapportées peuvent manquer de profondeur, de contexte, n’aidant pas à mieux comprendre la situation. Aurions-nous ces mêmes commentaires ici ? Nous sommes sans doute en présence de deux groupes qui saisissent mal le travail et les impératifs de l’autre. C’est pourquoi les chercheurs recommandent qu’un certain nombre de journalistes soient formés à la réalité scientifique voire à celle de la santé publique.

Une chose est sûre, la panique n’est pas bonne conseillère. S’assurer de demeurer en contrôle est primordial même quand la pression est forte.     

 

  

samedi 23 mai 2020

Peur et confiance, soeurs ennemies


La peur comme stratégie. Avoir recours à la peur pour provoquer un changement de comportement n‘est pas nouveau. L’état l’utilise dans des campagnes portant, par exemple, sur les dangers du tabac ou de la vitesse automobile. Au Québec, c’est la voie que le gouvernement a décidé d’emprunter depuis mars. Consciemment ou non.

Émotion dite négative, la peur naît quand un individu réalise qu’une menace se pointe et le met en danger. Elle est donc parfois très utile. Mais elle ne peut avoir un caractère permanent. La vie deviendrait invivable. Avec le point de presse de 13h, le gouvernement a voulu maintenir la communication avec les citoyens et c’est la chose à faire en temps de crise majeure. Effet pervers évident, cependant, découlant de cette manière de gérer. Les propos répétés, jour après jour, sur la mort, la catastrophe des CHSLD, la détresse psychologique appréhendée, les risques de faillite, la récession, les ados abandonnés, le manque de matériel de protection, ont maintenu la population dans un état de peur soutenu. Il est donc normal de voir des enseignants craindre le retour à l’école ou des citoyens de diverses régions ne pas vouloir des Montréalais. Qui plus est, il ne faut pas minimiser le travail des médias qui deviennent des amplificateurs de la réalité. Tout ceci crée un climat fortement anxiogène.

Alors, comment réagir ? La peur comme facteur de persuasion étant étudiée depuis 1953, on comprend un peu mieux ses effets. Certains affirment que le niveau de peur doit être suffisant. S’il est trop faible, aucune motivation à modifier notre comportement. S’il est trop élevé, l’individu va tenter une stratégie de défense pour se soulager. C’est peut-être le cas de ceux et celles qui ont manifesté, ici et ailleurs, contre le confinement.

Respecter le message est aussi une façon de réagir. Ainsi, on peut diminuer la peur ressentie et éviter le danger. Ou, à l’opposé, minimiser le danger, dénigrer le message qui nous paraît exagéré. Toutes des réactions que nous avons pu constater depuis le début de la pandémie. Les craignant, les autorités ont donc martelé le même message, le Dr. Arruda allant à plusieurs reprises jusqu’à nous «supplier» de suivre les consignes. Grosso modo, pour que le message soit efficace, la menace doit être assez forte, susceptible de se produire et la solution pour y échapper doit être jugée efficace et réalisable. De là les fameuses consignes de salubrité. Le décompte des victimes, en temps quasi réel, montre bien que la menace est susceptible de se produire. On nous le rappelle sans cesse. Les chaînes d’information l’indiquant même à l’écran en permanence.

Sans vouloir être trop machiavélique, il semble bien que plus l’intensité de la peur est forte, plus les intentions de modifier nos comportements soient élevées. Comme quoi le gouvernement, dans sa vision des choses, devait maintenir un niveau de peur élevé. Il faut constater que la stratégie a fonctionné, les Québécois ayant bien répondu aux consignes en étant, oui, dociles.

Mais maintenant, le vent change tranquillement de côté. On «déconfine». Réparer la confiance devient crucial. Peur et confiance ne font pas bon ménage. Il faut détricoter plus de deux mois de messages et de communication sur la peur. Apaiser les émotions négatives est un ingrédient important tout comme exprimer une certaine bienveillance. Il faut également que le gouvernement démontre une compétence, des aptitudes convaincantes à la restauration d’une situation un peu plus normale. L’atteinte d’une vulnérabilité amoindrie en dépend.