mercredi 1 septembre 2021
Eloge du recul - pourquoi ? (audio)
dimanche 29 août 2021
Manipulation ?
Éloge
du recul. Pourquoi ? Pour ne pas perdre notre discernement, notre jugement,
notre sens critique. Pour ne pas devenir anesthésié. Pour tenter de comprendre
les choses, les dessous, les mécanismes. Souvent, très souvent, les vents
contraires sont puissants. L’exemple d’Edward Bernays est parlant.
Bernays
explique aussi le rôle du « gouvernement invisible ». Une expression qui
aujourd’hui sonne légèrement complotiste, c’est vrai. Mais son idée fait du
sens. Bien des choses arrivent jusqu’à nous sans que nous en connaissions la
provenance exacte: idées, tendances, modes, produits nouveaux, etc. etc. Tout
ça m’est « imposé » par des inconnus qui forment un petit groupe qui décide
pour la majorité. On l’a bien vu pendant la pandémie. Nous avons appris qu’une
quinzaine de personnes à Québec, dont plusieurs stratèges en communication,
décident de chacune des actions sanitaires qui sont imposées. Leur travail est
discret, elles sont inconnues de la population. Les dictatures imposent le
contrôle par la force. Dans une démocratie, c’est plus subtil, nous dit
Bernays. Comme si le rôle de cette « force invisible » était d’ordonner le
chaos, de le prévenir en manipulant l’opinion et en imposant une sorte de ligne
directrice par le biais de tout ce qui arrive jusqu’à nous. C’est Bernays le
premier qui invente le titre de « conseiller en relation publique » étant donné
que le mot propagande a maintenant une connotation négative. Quand un mot
devient impopulaire, on le remplace par un autre souvent politiquement correct,
édulcoré. Vieille tactique. Ce ne sont plus des CHSLD mais des maisons pour
aînés. Ce ne sont plus des sourds mais des personnes malentendantes.
Bernays
est influencé par le Français Gustave Le Bon qui écrit La psychologie des
foules en 1895. Il nous dit notamment que les foules ne sont pas influençables
par des raisonnements. Elles pensent par images. L’imagination populaire joue
un rôle puissant, surtout pour les gouvernants. Une technique fort utilisée
pendant la pandémie alors qu’on manipule beaucoup l’émotion: l’image du malade
intubé aux soins intensifs, ces morts dans des camions réfrigérés, les enfants
masqués, grand-mère isolée parlant aux enfants derrière sa porte-patio. Les
médias, qui inexorablement jouent le jeu en défendant le droit du public à
l’information, amplifient la situation, servant cet objectif de « manipuler
l’opinion ». On « fabrique le consentement » pour reprendre le titre du livre
de Chomsky et Herman (1988). Le Bon parle aussi de la puissance magique des
mots et des formules: ça va bien aller, le vaccin c’est la liberté, zone rouge,
couvre-feu, barrages policiers, etc. Ces mots et ces expressions ne surgissent
pas au hasard. Ils ont un but. L’auteur nous rappelle que la foule préfère les
illusions aux vérités. C’est la possible fin du confinement si et si, le
possible petit party, la levée des restrictions si nous sommes vaccinés.
Finalement, c’est à se demander si le politique a intérêt à ce que la
population pense et réfléchisse. Le divertissement est formidable pour nous en éloigner.
Il est d’ailleurs ironique que François Legault, rappelez-vous, permette aux
tournages de séries et de téléromans de se poursuivent. District 31 était
sauvée.
Finalement,
parmi les techniques servant la manipulation, il y a des valeurs assez sûres.
D’abord, la peur…oui, encore elle. Puissante parce qu’elle est associée à la
sécurité. Vous avez peur ? Le gouvernement va vous protéger avec différentes
mesures. Cette peur est aussi associée à la mort, une fatalité que nous
craignons. Les clivages sont aussi efficaces : gauche-droite, vaccinés-non
vaccinés. Les dirigeants ont un intérêt à les entretenir. De cette façon, il y
a peu de place pour la nuance et la réflexion. On est dans un camp ou dans
l’autre, point. Comme un dogme. Enfin, le désir. Comme il ne faut pas
raisonner, on entretient notre désir des choses, des jours meilleurs, d’une vie
rêvée. La publicité l’a compris depuis longtemps. Freud parle de désirs enfouis
dans notre inconscient mais qui nous font agir, prendre telle ou telle
décision. Ça aussi, Bernays l’a bien compris. C’est la lotto-vaccin.
Tout
ceci démontre qu’il ne faut pas être dupe. En introduction de son ouvrage,
Bernays résume bien sa pensée :« Nous sommes pour une large part gouvernés
par des hommes dont nous ignorons tout, qui modèlent nos esprits, forgent nos
goûts, nous soufflent nos idées. C’est là une conséquence logique de
l’organisation de notre société démocratique. Cette forme de coopération du
plus grand nombre est une nécessité pour que nous puissions vivre ensemble au
sein d’une société au fonctionnement bien huilé. »
C’est
dit.
jeudi 19 août 2021
Éloge du recul
Le Québec a une tradition intellectuelle qui s'essouffle. On entend peu ceux qui développent une véritable pensée, qui prennent de la distance avant de s’exprimer. L’opinion n’est pas de la pensée. Pourtant, cette pandémie regorge d’exemples pour lesquels on aurait bien besoin de comprendre le pourquoi. Pourquoi tel groupe agit de telle ou telle façon ? Pourquoi certains partent en voyage ? Pourquoi certains ne veulent pas du vaccin ? Pourquoi certains ont fêté en groupe à Noël ? Au lieu de tenter de comprendre, on attaque, souvent avec violence. On leur colle des étiquettes d’idiots, de tatas, d’irresponsables, de nombrilistes et des pires. Ces attaques sont-elles révélatrices de qui nous sommes ? D’un Québec consensuel qui digère mal un comportement contraire à la majorité ? Pourquoi avons-nous de la difficulté à accepter que d’autres agissent différemment de nous ?
On pourrait se souhaiter, pour
2021, d’être moins sur la défensive et davantage à l’offensive avec des arguments
fondés, un peu plus réfléchis. Tenter de comprendre le pourquoi des
comportements aide grandement. Ceux qui n’agissent pas comme la majorité ne sont
pas tous des débiles. Les dérapages surviennent souvent sur les réseaux
sociaux, c’est vrai. Il faut se méfier de soi lorsque nous sommes derrière un
clavier. On perd notre jugement comme si le cerveau ne s’était pas encore
adapté aux contacts virtuels.
Nous aimerions peut-être que
l’humain soit constamment rationnel. Mais ce n’est pas le cas. L’économie
comportementale le démontre depuis longtemps. Une décision, ne pas se faire
vacciner ou voyager, par exemple, peut se prendre sans connaître les conséquences
réelles, par manque d’information, en empruntant des raccourcis, un phénomène
connu en psychologie. L’émotion et l’intuition peuvent jouer un rôle dans nos
décisions, décisions que nous regretterons peut-être plus tard. Il faut
également mentionner que nous avons tous une tolérance au risque qui diffère
d’un individu à l’autre. Ce niveau de tolérance pourra influencer notre
motivation à poser un geste ou non.
Les attaques que nous constatons
depuis plusieurs mois visent des minorités. Le cas des voyageurs dans le sud
est le plus révélateur. La conformité est pourtant une force puissante. Nous
avons une tendance naturelle à imiter les autres même si nous ne l’admettons
pas consciemment. Les autorités doivent
d’ailleurs s’en réjouir les mesures sanitaires étant largement suivies. Mais
l’amplification des médias et des réseaux sociaux est telle que nous avons
l’impression qu’un phénomène est généralisé alors que ce n’est pas le cas.
Remettons en perspective. Dans ce cas-ci, en réalité, peu de Québécois ont
quitté le pays pour le sud. Il est certain que notre entourage joue un rôle,
cette influence sociale pouvant nous conforter à poser des gestes, à prendre
une décision ou une autre. Si en plus nous avons tendance à aimer se
distinguer, à être différent, nous prendrons sans doute une décision qui va à
l’encontre de ce que fait la majorité.
C’est pour tout ce qui précède
que nous devrions faire davantage l’éloge du recul. Et le pratiquer.