La peur
comme stratégie. Avoir recours à la peur pour provoquer un changement de
comportement n‘est pas nouveau. L’état l’utilise dans des campagnes portant,
par exemple, sur les dangers du tabac ou de la vitesse automobile. Au Québec,
c’est la voie que le gouvernement a décidé d’emprunter depuis mars.
Consciemment ou non.
Émotion dite
négative, la peur naît quand un individu réalise qu’une menace se pointe et le
met en danger. Elle est donc parfois très utile. Mais elle ne peut avoir un
caractère permanent. La vie deviendrait invivable. Avec le point de presse de
13h, le gouvernement a voulu maintenir la communication avec les citoyens et
c’est la chose à faire en temps de crise majeure. Effet pervers évident,
cependant, découlant de cette manière de gérer. Les propos répétés, jour après
jour, sur la mort, la catastrophe des CHSLD, la détresse psychologique
appréhendée, les risques de faillite, la récession, les ados abandonnés, le
manque de matériel de protection, ont maintenu la population dans un état de
peur soutenu. Il est donc normal de voir des enseignants craindre le retour à
l’école ou des citoyens de diverses régions ne pas vouloir des Montréalais. Qui
plus est, il ne faut pas minimiser le travail des médias qui deviennent des
amplificateurs de la réalité. Tout ceci crée un climat fortement anxiogène.
Alors,
comment réagir ? La peur comme facteur de persuasion étant étudiée depuis 1953,
on comprend un peu mieux ses effets. Certains affirment que le niveau de peur
doit être suffisant. S’il est trop faible, aucune motivation à modifier notre
comportement. S’il est trop élevé, l’individu va tenter une stratégie de
défense pour se soulager. C’est peut-être le cas de ceux et celles qui ont
manifesté, ici et ailleurs, contre le confinement.
Respecter le
message est aussi une façon de réagir. Ainsi, on peut diminuer la peur
ressentie et éviter le danger. Ou, à l’opposé, minimiser le danger, dénigrer le
message qui nous paraît exagéré. Toutes des réactions que nous avons pu
constater depuis le début de la pandémie. Les craignant, les autorités ont donc
martelé le même message, le Dr. Arruda allant à plusieurs reprises jusqu’à nous
«supplier» de suivre les consignes. Grosso modo, pour que le message soit
efficace, la menace doit être assez forte, susceptible de se produire et la
solution pour y échapper doit être jugée efficace et réalisable. De là les
fameuses consignes de salubrité. Le décompte des victimes, en temps quasi réel,
montre bien que la menace est susceptible de se produire. On nous le rappelle
sans cesse. Les chaînes d’information l’indiquant même à l’écran en permanence.
Sans vouloir
être trop machiavélique, il semble bien que plus l’intensité de la peur est
forte, plus les intentions de modifier nos comportements soient élevées. Comme
quoi le gouvernement, dans sa vision des choses, devait maintenir un niveau de
peur élevé. Il faut constater que la stratégie a fonctionné, les Québécois
ayant bien répondu aux consignes en étant, oui, dociles.
Mais
maintenant, le vent change tranquillement de côté. On «déconfine». Réparer la
confiance devient crucial. Peur et confiance ne font pas bon ménage. Il faut
détricoter plus de deux mois de messages et de communication sur la peur. Apaiser
les émotions négatives est un ingrédient important tout comme exprimer une
certaine bienveillance. Il faut également que le gouvernement démontre une
compétence, des aptitudes convaincantes à la restauration d’une situation un
peu plus normale. L’atteinte d’une vulnérabilité amoindrie en dépend.